#JeudiAutoEdition - Qui sont ces auteurs ? #32



Le #JeudiAutoEdition est un rendez-vous que je suis de très près depuis un petit moment et n'ayant pas toujours une lecture sous la main, je préfère mettre en avant un ou une auteur(e) auto-édité(e), ce qui, je l'espère, vous permettra de le ou la connaître un peu plus et pourquoi pas, la curiosité fera le reste ... 





Cette semaine, c'est au tour de Cécile Chabot


Pour commencer, pouvez-vous nous faire une petite présentation rapide pour ceux et celles qui ne vous connaissent pas encore ? (D'où vous venez, les études faites, etc.)

Je suis originaire de Liège (Belgique), où je suis née en 1969. J’y ai fait mon droit (et une spécialisation en droit européen). J’ai vécu un temps à Londres, mais j’habite maintenant Bruxelles. Depuis mes études, je travaille à des dossiers complexes en matière bancaire et financière (au Trésor belge, puis à la banque centrale, dans des banques privées et maintenant comme consultant indépendant).

Le droit n’a pas été un choix « évident » pour moi (quoique cela réponde à mon idéal d’une société fondée sur la règle de droit et non sur la loi du plus fort) parce que j’ai toujours été écartelée entre histoire et sciences (biologie, géologie et astronomie). Disons, que c’était facile…

Sinon, l’université a été l’occasion pour moi de pratiquer une activité sérieusement une activité que j’avais découverte à 15 ans : la spéologie (qui a eu une influence sur l’idée de mes polars mayas). Au fil du temps, j’ai participé à des expéditions d’exploration spéléo en Slovénie, Suisse, Turquie, Albanie, Guatemala et Mexique.




Quel est votre univers livresque ?

En matière de fiction ? Parce que je lis beaucoup de « non fiction » (histoire, archéologie, biologie, histoire des sciences, psychologie et technique d’écriture).

Les deux livres qui ont marqué mon adolescence furent Le seigneur des anneaux et 1984.

1984 est le premier livre qui m’ait fait penser. Qui m’ai fait prendre conscience qu’un livre, un roman, pouvait vous faire penser. J’écoutais une émission de radio à la Noël 1983 (j’avais 14 ans), pendant laquelle un extrait fut lu par un acteur (la « minute de la haine »). C’était si puissant, si intriguant, que j’ai été le dénicher dans la bibliothèque familiale (de vieilles armoires de cuisine dans une cave mal éclairée) dès que celle-ci fut finie. Je l’ai dévoré une première fois pendant ces vacances de Noël. A Pâques, j’en étais déjà à ma troisième lecture.

Le seigneur des anneaux, c’est pour le souffle épique, et puis aussi parce que c’est le premier livre que j’ai lu en bilingue, parce que j’adore tout l’univers de JRR Tolkien (y compris The Silmarillion, qui est compliqué à aborder, j’admet).

Il y a eu aussi la phase « poésie », de Ronsard à St John Perse, en passant par Apollinaire, Verlaine et Baudelaire (je peux toujours vous en réciter certains par cœur).

Il y a eu aussi très tôt la phase science-fiction avec en favoris John Scalzi (Old Man’s War, Zoe’s Tale, Ghost Brigade, Red Shirts à lire par tout fan de Star Trek) et Philip K Dick (The Man in the High Castle, mais pas seulement. Par exemple, les Hyperion Cantos de Dan Simmons sont aussi un favori ou The Martian d’Andy Weir. Côté fantasy, il y a, évidemment, A Song of Ice and Fire, de George R R. Martin, dont j’attends la suite avec impatience, comme tout le monde. Lindsey Buroker, aussi, dont les personnages féminins sont toujours forts et complexe, à cheval entre S-F et fantasy.

En parallèle, il y a eu la vague de fond « classiques français » (les nouvelles de Maupassant sont les grandes gagnantes en termes de relecture, mais aussi Zola dont j’ai dévoré tous les Rougon-Macquart pendant la phase d’examens finaux de secondaire (l’équivalent du bac français), Flaubert (tout), Yourcenar, Giono, Cocteau… (à cheval sur la phase « théâtre » qui a aussi été présente).

Dès que j’ai pu lire directement en anglais, il y a eu, en plus, la phase « classiques anglais » avec Jane Austen, E.M. Forster, mais aussi Saki (des nouvelles au style fin et destructeur de bourgeoisie Edwardienne) et P.G. Wodehouse.

Dans les romans américains, ce fut la découverte de John Fante, Edgar Allan Poe, H.P. Lovecraft (dont le Cthulhu m’a donné l’idée du son du nom de Xhól), Edith Wharton, Henry JamesAvec un inclassable, favori de longue date lui aussi : Roy Lewis et son hilarant Evolution Man - Why I ate my father.

De même, en espagnol, dès que j’ai pu lire en original, j’ai dévoré la littérature latino-américaine (Gabriel Garcia Marquez, Sepulveda, Vargas Llosa…).

En matière de romans policiers, c’est là une « phase » permanente : Agatha Christie, Ellis Peters, Tony Hillerman, Arthur Upfield, Conan Doyle, Peter Tremayne, Robert Van Gulik, Ann Perry

Un livre qui transcende les catégorie (policier, historique) et qui est aussi un de mes favoris est Le nom de la Rose, d’Umberto Eco.

J’ai aussi adoré et relu plusieurs fois la trilogie de contes philosophiques d’Italo Calvino : Le baron perché, Le vicomte pourfendu et Le chevalier inexistant.

Lorsque j’étais adolescente puis à l’université, je lisais à peu près 10 livres par semaine. Depuis mon entrée dans le monde professionnel, j’ai dû me résoudre à me limiter à 3/4 livres par semaine (dont certains ne sont pas de la fiction).




Qui vous a donné l'envie d'écrire à votre tour ? Quel est votre objectif lorsque vous écrivez ? (Donner du plaisir, vous évader, faire partager, etc.)

En 2011, à une période un peu compliquée de ma vie professionnelle, j’ai repris quelques vieux Cadfaël d’Elis Peters… Et je me suis dit que j’aimerais commencer une série de polars historiques pour me changer les idées.

La question qui s’est alors posée était à quelle période la placer.

La réponse fut assez simple car je m’étais passionnée pour la civilisation maya après la découverte de vestiges archéologiques du 5ème siècle après J.C. dans une grotte perdue au fond de la jungle du Guatemala en 2003. Dès ce moment, j’ai beaucoup lu sur la civilisation, j’ai visité les sites archéologiques majeurs au Mexique, Guatemala, Belize, Honduras, Salvador…

J’ai continué sur ma lancée et ai fini par visiter tous les pays d’Amérique Centrale. À chaque voyage, j’ai rassemblé le matériel de ce qui allait devenir les Nouvelles d’Amérique Centrale.

Sept ans après, lorsque j’ai songé à cette idée de série de polars historiques, le Cycle de Xhól a pris forme dans un carnet comme une série de seize livres qui prendrait place dans une cité du Guatemala que l’on connaît bien au niveau archéologique : Dos Pilas.

Le principe pour moi était donc - comme pour les Cadfaël – de suivre un héros, Xhól qui résout une enquête policière dans chaque livre, au travers d’un contexte historique qui évolue au fil des livres.





Comment s'est déroulé l'écriture du roman (ou des romans) ?

Je suis très structurée, surtout pour des romans policiers.

Je commence donc par un plan visuel qui reprend : les grandes lignes de l’intrigue d’un point de vue chronologique, les personnages principaux, la manière dont l’histoire s’insère dans le Cycle de Xhól plus large…

Sur cette base, je crée un synopsis détaillé, scène par scène. Je m’inspire à ce stade d’une construction théâtrale classique : progression du récit en trois actes, scènes avec unité de temps, de personnages et de lieu... Même si cela ne se voit plus dans le découpage final.

En phase d’écriture proprement dite, je sais donc en commençant une scène : qui est présent, le climat émotionnel, ce qui dois se passer dans les grandes lignes, où elle se déroule…

Après, il y a évidemment un travail de réécriture, de modifications, de polissage…

Dès l’étape du synopsis, j’utilise un logiciel d’écriture spécifique, Scrivener, qui me permet de gérer mon projet d’écriture de manière beaucoup plus fine qu’un simple document Word.




Vous imposez-vous un rythme d'écriture ou écrivez-vous quand l'inspiration est là ?

Lorsque je suis en phase d’écriture/réécriture, c’est chaque matin, au moins une heure (mais je travaille plutôt par scène, quel que soit le temps que celle-ci prend). Sinon, il y aussi l’écriture de mon blog, d’article… J’écris donc quelque chose chaque jour. Normalement, je répondrais à la question en citant Somerset Maugham « I write only when inspiration strikes. Fortunately it strikes every morning at nine o’clock sharp » (sauf que moi, c’est plutôt à cinq heure du matin ; je suis horriblement matinale).

Mon point de vue est que l’inspiration vient – toujours - si vous lui permettez de se présenter par la pratique d’une discipline d’écriture régulière. Attendre « que l’inspiration vienne » est la meilleure manière de ne jamais terminer un projet d’écriture.

Mais, en fait, ce n’est pas aussi tranché. Il faut toujours prendre en compte les méandres mystérieux de l’inconscient, qui ne daigne pas suivre votre calendrier éditorial.

Par, exemple, Je fais face maintenant à un problème un peu particulier : je n’ai pas fini le lancement du dernier Xhól et l’inspiration m’est pourtant venue un soir (alors que j’écris normalement le matin, tôt) au sujet d’un vieux projet pour lequel j’avais rédigé des notes il y a deux ans et qui deviendra un roman de S-F (Le prophète des cinq mondes). Je coince donc les moments d’écriture de ce projet-là où je peux dans le lancement d’Un meurtre princier.

D’un autre côté, comme j’ai annoncé la sortie du livre 4 du Cycle de Xhól pour novembre 2017, je sais déjà que je vais devoir prévoir la période de création de l’intrigue de ce livre-là en juin et la rédaction du premier jet en juillet.




Pourquoi avoir choisi l'auto-édition ?

C’était une évidence pour moi. Je n’ai jamais envoyé un manuscrit à une maison d’édition.

Il faut dire que j’ai une liseuse kindle depuis 2008 (achetée à l’époque aux États-Unis et encore introuvable en Europe). Je suivais aussi de très près l’évolution du monde de l’édition et l’émergence des auteurs auto-édités en anglais. Quand j’ai eu l’idée en 2011 du Cycle de Xhól, Amazon France a peu de temps après annoncé l’ouverture de kdp (kindle direct publishing) aux auto-édités en français : je savais à ce moment comment j’allais le publier.

Soyons clairs, en français, il n’y a vraiment que 10/18 Grands Détectives qui pourrait convenir à une série de polars historiques. S’ils me contactent un jour, je serai heureuse de discuter avec eux… mais, en fait, je suis très heureuse de l’indépendance éditoriale que me donne l’auto-édition (comme vouloir écrire des polars historiques, mais aussi des nouvelles ou encore de la S-F).




Comment avez-vous vécu l’enthousiasme des premiers lecteurs ? Le retour des critiques, positives comme négatives.

J’essaye de garder le contact avec les lecteurs les plus fidèles par le biais d’une chronique littéraire : ils m’encouragent, me donnent leurs commentaires, m’accompagnent dans le projet d’écriture. C’est à eux que je fais appel lorsqu’un livre est prêt pour la phase de beta-lecture. C’est pour moi extrêmement précieux, ce contact direct avec des lecteurs.

Les beta-lecteurs sont – eux – sans complaisance. Ce qui m’est très précieux et que j’accepte très bien : avec une vraie reconnaissance même, car ils aident le texte à devenir meilleur.

Les commentaires positifs de lecteurs totalement inconnus sur Amazon ou kobo me touchent toujours.

Les commentaires négatifs ? Oui, il y en a. J’essaye de les prendre avec philosophie, de voir ce qui pourrait être justifié pour améliorer le prochain roman. J’ai aussi pour politique de ne jamais réagir car c’est le droit le plus absolu d’un lecteur d’aimer ou ne pas aimer…et de le dire.





Comment s'est passé le choix de la couverture du roman ? Y avez-vous participé ? Si non, qu'auriez-vous changé ?

Je pilote totalement la création des couvertures.

Pour le Cycle de Xhól, j’ai demandé à une jeune illustratrice de talent, Haley H. Rice, de produire des illustrations originales de glyphes mayas à l’encre de chine. Je retravaille les fichiers haute définition (.png) de ces œuvres originales et les insèrent dans la maquette de chaque livre du cycle. Pour les Nouvelles d’Amérique Centrale, c’est une photo d’un de mes voyages (au Guatemala) qui illustre la couverture.

Pour Le prophète des cinq mondes, je ferai appel à un graphiste spécialisé dans le domaine de la S-F, à qui je donnerai la mission sur base de ses réalisations passées et du style de son travail : je lui donnerai alors certaines directives générales (il faut trouver un bon équilibre entre une mission claire pour le graphiste et ne pas les brider dans leur créativité).




Si vous pouviez donner vie à l'un de vos personnages, lequel choisiriez-vous et pourquoi ?

Xhól, sans aucun doute. Nous partageons certaines choses, lui et moi : un besoin de créer (quoique pas dans le même domaine), l’introversion, le rapport à la douleur, aussi. Ses souffrances physiques sont dues à une maladie d’enfance qui l’a laissé infirme (il boîte), les miennes à une maladie génétique dont j’ai hérité (le syndrome de Marfan).

Je l’admire pour la manière dont, jeune homme qui cherche sa place dans une société qui accorde beaucoup d’importance à l’apparence physique, il ne se laisse pas emporter par l’amertume, le cynisme.

J’éprouve de la compassion pour lui… Même si le rôle de l’auteur à ce niveau-là est ingrat, puisque je dois le faire passer par les épreuves qui donneront corps à chaque livre (c’est Kurt Vonnegut qui disait « Be a sadist, no matter how sweet and innocent your leading character make awful things hapen to your character, in order the reader may see what they are made of »).



Sur quel projet êtes-vous en ce moment ?

Le prophète des cinq mondes, un roman S-F qui s’impose à moi, au travers de la voix de Garance Li Jones qui survient aux moments les plus importuns. Je cours pour mon prochain 20km ? Elle me parle de l’interdiction du dialogue socratique par le prophète. Je veux aller dormir ? Elle me pousse à écrire trois pages de son journal. Elle devient un peu obsédante, en fait.

Je vais donc essayer de me sortir du corps ce livre-là le plus rapidement possible, pour pouvoir revenir tout de suite après au polar historique, avec le livre 4 du Cycle de Xhól, puisque je veux que celui-ci paraisse en novembre 2017.




Auriez-vous des conseils d'écriture pour nos jeunes débutants ?
Écrire.
Tous les jours.
Se mettre une échéance pour la fin d’un projet d’écriture.
Publier (en retard, évidemment, mais ce n’est pas grave).

Recommencer.
Vous ne serez jamais parfait : oubliez cette ambition-là tout de suite. Concentrez-vous sur le fait d’écrire des livres imparfaits, mais qui ont cette grande qualité : être finis.




Un petit mot pour la fin ?

Merci pour ces questions très intéressantes : elles m’ont permis de reconnecter avec ce qui me donne l’envie d’écrire et de créer.


Si des lecteurs sont intéressés par le polar historique, le podcast « pourquoi j’écris » que j’anime, mes projets d’écriture, je les invite à visiter mon site internet : http://www.cecilechabot.com. Ils pourront s’y abonner à ma chronique littéraire du dimanche matin et recevront une nouvelle inédite (La première mort de Xhól) pour les en remercier. 




Si cette interview vous donne envie d'en savoir plus, je vous invite à cliquer par ici ou par là afin de découvrir le roman de Cécile Chabot ☺

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